Contempler est une façon de « prendre soin », sans aucune convoitise, écrit Christian Bobin.
Aussi, éclairés de ces mots, arrêtons-nous la tête penchée sur celles modestement inclinées des bourraches, aux fleurs célestes regroupées en cymes.
Répondant à une esthétique et à un affranchissement hors pair, l’exubérante herbe trapue originaire d’Anatolie méritait une étude de personnalité et un bilan de compétences.
Son étymologie provient du latin « burra » désignant la bure des moines, un vêtement à la grossière étoffe de laine brune, et de l’arabe « abû’araq », traduit père de la sueur, en référence à ses propriétés thérapeutiques.

En floriographie, la bourrache figure la joie champêtre, la profusion et l’entrain.
Appréciée à ce titre dans la civilisation gréco-romaine en tant qu’être fustigeant la mélancolie, ses fleurons macérés en alcool, offrent un élixir aphrodisiaque, d’où son héritage de plante « euphorisine », celle qui rend bienheureux.
Des racines charnues et pivotantes nourrissent un corps méritant de « simple » au port dressé, empressé de vivre, bleuissant originalement avant sa majorité.

D’amples oreilles duveteuses et gaufrées à tiges pileuses, cylindriques et creuses, épousent l’alacrité de la jouvencelle, sur de longs bras velus et cassants, constellés de saphirs et de lapis.
Légende de l’image : Des bras velus et cassants soutiennent des fleurs célestes regroupées en cymes © Yves Meurville
Longtemps bannie, l’apatride s’est réveillée starisée au 17 ème siècle, semée et adoptée en condiment, légume et phytothérapie.
Dès le Renouveau, la bourrache s’enguirlande d’étoiles outremer, accroches-coeur à cinq branches, appréciées des insectes pollinisateurs, lui concédant les palmes honorifiques de « pain des abeilles », et pour ses futures graines, de « manne des fourmis ».
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De dos comme de face, la fleur de bourrache est une étoile à cinq branches ![]()
Boutons floraux de bourrache soutenus par des arceaux velus © Yves Meurville ![]()
Devant la bourrache , une seule attitude à adopter : s’incliner © Yves Meurville
Ces semences oléagineuses ont la capacité germinative d’une décennie et le pouvoir de supporter des rigueurs climatiques extrêmes.
Soucieuse d’autrui, l’altruiste bourrache participe au maintien de la santé, cédant ses ornements à saveur iodée, aux desserts et aux salades, à la manière de ses congénères capucine et ail des ours se chargeant, en voisins éclairés, d’apporter un grain de sel supplémentaire .
Elle octroie l’adolescence de son feuillage à la préparation de beignets au goût de concombre et comme verdure au « Gargouillou » de jeunes légumes, une création du Chef cuisinier Michel Bras.
Affriolant tout Maître-jardinier, la bourrache séduit en outre lys et dahlias, sous l’émaillage phosphorescent de ses consoeurs, les nocturnes onagres, qualifiées en Turquie « fleurs d’appel à la prière » et en Allemagne « bougies de nuit ».

Affriolant tout Maître-jardinier, la bourrache séduit en outre lys et dahlias, sous l’émaillage phosphorescent de ses consoeurs, les nocturnes onagres, qualifiées en Turquie « fleurs d’appel à la prière » et en Allemagne « bougies de nuit ».
Légende de l’image : Dans l’eau, les fleurs de bourrache outremer changent de couleur © Yves Meurville
Employée en Suisse à titre de médecine vétérinaire par voie d’infusion et de ration après tout vêlage, la bourrache y a jouit d’une renommée de résistante face aux infections pulmonaires des porcs et des maladies inflammatoires de bovins.
D’éminents Chercheurs ont récemment démontré la singulière générosité en soins internes et externes de l’huile extraite de sa descendance.
En effet, ce rarissime élixir de régénérescence, recèle d’Acides Gras Essentiels, les AGE, dont le gamma-linolénique, le fameux oméga-6, issu d’une molécule de jouvence contribuant au renouvellement du tissu cellulaire, à la stimulation hormonale et à la désintoxication.
Cette précieuse découverte scientifique participe à l’amélioration de notre constitution, atténuant tout impact physique et mélancolique de sénescence.
Un dicton avise qu’un éden de verdure exempt de bourrache est un berceau dénué de bras luxuriants. Alors, adoptons-le en l’essaimant allègrement. Pour notre confort.
Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne
Photos : Entête et Mise en avant © Yves Meurville


