Qui affirmerait que l’élégance à l’état pur est une illusion ? Assurément pas, là-bas, ce plaisancier oiseau, le démentant officiellement par sa quintessence !
En effet, jaugeons ce qui surgit du miroir, suscitant en sus d’une distinction « un plaisir esthétique doublé d’un sentiment d’admiration », la définition même de la beauté, précise l’Encyclopédiste Pierre Larousse.
De prime abord, serait-ce un colvert ? Que nenni, c’est un étrange palmipède jouant à disparaitre et aisément revenir au-delà.
![]()
Se mirer dans l’onde est pour le grèbe un moment d’extase avec lui-même ![]()
Majestueux couple de grèbes huppés en période prénuptiale
Résidant de tout plan d’eau calme foisonnant de victuailles, le grèbe huppé, puisque c’est lui, fréquente également en hiver les lacs-réservoirs aubois et marnais, y retrouvant de la famille des pays nordiques. Son nom latin « podiceps cristatus » signifiant « pied-à-l’anus », stigmatise une harmonieuse morphologie, désavantageant ses vagues pérégrinations terrestres ou aériennes.
L’élément liquide est l’agrément d’une anatomie vouée à l’immersion et au prompt déplacement en nage subaquatique, un bénéfice naturel constamment expérimenté à la pêche et lors de menace. Deux importantes pattes à la poupe dotées de doigts aux palmures lobées en pagaies jouent le rôle d’un gouvernail, tournant hélicoïdalement dans le flot, propulsant le corps hydrodynamique, imperméabilisé d’une substance huileuse émanant du croupion.
Dans les silencieux atomes d’un bassin, d’une journée de février, la vie bouillonne soudainement d’une fébrile activité troublant le petit monde académique du célibat « aves ». S’engagent alors de rituelles fiançailles, métamorphosant d’insignifiants grèbes en de véritables artistes chevronnés, revêtus d’une somptueuse robe du plus bel effet, l’ensemble tourbillonnant gracieusement.
Agréés d’un col et d’un ventre immaculés, coiffés d’une huppe de jais érectile à l’humeur, nos danseurs étoiles se parent d’une fraise auburn, plissée et dilatable, à l’instar de la cour du roi Henri III. Parachèvent le tout, des favoris bruns, iris rubis et nuances fauves saupoudrées aux joues.
Dotés d’un arsenal chorégraphique à plusieurs entrées, ces ardents acteurs s’apparient sur le plateau aqueux, offrant une kyrielle de spectaculaires postures : solennité de la découverte, cérémonie d’assentiment du crâne, comédie de la retraite, danse des algues. Puis, pris de ravissement au travers d’inconstantes attitudes de vis à vis, les hirsutes prétendants badineront à en perdre la raison.
![]()
Sur un îlot herbeux , le nid de grèbe subit parfois les aléas d’une subite montée des eaux ![]()
Fiancés, le couple entame la cérémonie de l’herbe en dansant sur l’eau ©Fabrice Croset ![]()
La cérémonie de séduction des secouements de têtes est propice à d’intimes rapprochements usant de surprenantes attitudes non-verbales ©Fabrice Croset
Dodelinant du bonnet, caquetant vivement, ils s’offriront un bouquet d’herbes cueillies au lit de l’onde, après quelques flamboyants entrechats, à l’exemple du mythique Danseur Rudolf Noureev. Ces jeux d’extases concrétiseront les prémices d’une union, conjuguant en apothéose dans un gracieux essor, le verbe aimer au présent.
Au sein d’une cité lacustre, surgiront d’un nid, des « grébillons » laineux au bec diamanté, maquillés de rouge et pourvus chacun d’une unique livrée zébrée, facilitant ainsi leur subtile singularité aux géniteurs.
Dès la naissance, ils se réfugieront sur le dos moelleux et réconfortant de parents navigateurs, mâchouillant préventivement du duvet, un rempart intestinal efficace aux futures ingestions d’arêtes de menu fretin.

Vers 1850, un lucratif commerce de plumassiers, lié à une mode vestimentaire de l’épais et chaud plumage ventral de grèbes huppés, nommée « grebe furs », faillit éradiquer l’espèce en Europe.
Légende du dessin ci-contre : Mantelet en duvet de grèbes © Pierre Baumgart
L’hécatombe faunistique cessera un demi-siècle plus tard, engendrant le vote des premières lois protectrices d’oiseaux. Un mal pour un bien, dira-t-on.
Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne
Photos : Entête et Mise en avant © Fabrice Croset




