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Si la vie n’est qu’un passage, sur ce passage semons au moins les fleurs de la cardère – Michel de Montaigne et Y. M.

Il est difficile d’apprécier les cardères à bon escient, de leur attribuer des qualités du fait de leurs piquants, s’apparentant familièrement à tort aux chardons.

Pourtant, la Nature octroie à ces espèces, du genre « dipsacus » issu du grec dipsao ( j’ai soif ) des fonctions bien spécifiques.

Rendons- leur la primauté d’une place qu’elles méritent !

Le chardonneret élégant s’alimente des graines de cardère ( faux chardon )

1 – La Cardère des champs : dipsacus sylvestris

Haute de 1,80 m, visible à 100 m, elle croît sauvagement sur les terrains secs et calcaires des lisières, terrains vagues, puisant de sa racine pivotante, des réserves de vie souterraine à 0,50 cm.

Économe d’une eau lustrale céleste, avec son cabaret des oiseaux ou baignoire de Vénus, elle apparaît au printemps, à partir d’une graine qui germe et finit par former une rosette basale gaufrée.

Un an après, surgit une colonne cannelée d’une circonférence de 8 cm, aux branches pourvues de feuilles soudées, regroupées en vasques d’un litre, recueillant la pluie, pour les passereaux et les insectes, en toute sécurité, du fait de l’architecture biaisé de son rugueux support végétal.

A l’extrémité des tiges, s’épanouissent en anneaux graduels des clairons violets très mellifères, sur une vingtaine de gros capitules ovoïdes.

Altruiste avec son épicerie ambulante, elle nourrit papillons, bourdons, abeilles sirotant le nectar au « bistro », qui s’envolent repus, le corps jauni du fécond pollen nécessaire à la production de copieuses graines caloriques destinées aux oiseaux.

Artistique et musicale

Séchée sur pied, la cardère agrémente des bouquets secs et se prête à la fabrication d’instruments à percussion, les crécelles.

2 – La Cardère des villes : dipsacus sativus

salutaire à l’agriculture, cette herbacée ( Chardon Lanier, devenu nom de famille ), plus rentable que le blé, fut cultivée pendant trois siècles en chardonnières ( 2 326 ha en 1862 ), entraînant sa forte exportation mondiale.

Les têtes coupées ( environ 20 000 têtes par ha ) étaient conditionnées en majorité par des femmes sous la houlette de Négociants spécialisés.

Ce labeur quotidien de douze heures, harassant et répétitif de grattages avec des peignes, transformait les étoffes en beaux draps de luxe, moelleux et doux, apportant l’éclat à des vêtements militaires et royaux, aux chéchias tunisiennes et toiles de billard, au loden, excitant la convoitise d’Industriels des Manufactures de draps fins.

Au 19 ème siècle, l’évolution des techniques transforma et améliora cette activité qui n’épargnait pas les mains des ouvriers, tatoués de milliers de minuscules points noirs, signes extérieurs d’appartenance à la corporation.

Les capitules taillées en cylindres furent désormais embrochées sur des supports métalliques de machines roulantes automatiques, les laineuses, griffant de leurs pointes dures, mais élastiques, 140 00 fois les tissus, les améliorant progressivement au toucher.

L’arrivée de brosses synthétiques signa sa disparition en 1983, mettant un terme au centenaire Commerce international de Cardères à St Rémy – de – Provence – Bouches du Rhône.

Thérapeutique

Le Dr Wolf – Dieter Storl, victime de la borréliose transmise par un arachnide, la tique, témoigne dans son livre s’être « guéri naturellement de la maladie de Lyme » en utilisant la racine de ce faux chardon providentiel.

Découverte

De la semence retrouvée par La Hulotte chez le dernier Négociant de Tarascon-sur-Rhône permet d’en obtenir pour la cultiver chez soi.

Si vous en désirez un sachet, écrivez à : La Hulotte, 08 240 Boult aux Bois, ou www.lahulotte.fr , qui vous l’adressera gracieusement, avec des conseils de plantation.

Bonus : consulter les n° 61 et 62 de « La Hulotte », des exceptionnelles revues scientifiques sur la Nature dans ses détails, qui parait 2 fois par an à un prix défiant toute concurrence.

Têtes de cardères des champs en hiver

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne

Photos et texte © Yves Meurville