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Le tussilage nommé « tussilago farfara », issu du latin ago : je chasse et tussis : la toux, est un être inégalé qui honore la vie dans toute la fraîcheur de sa pureté.

Ses propriétés bienfaisantes résident en une innocente inflorescence aux effluves de réglisse, devançant l’arrivée d’un feuillage qui pourrait lui faire de l’ombre.


Remarqué des Romains, ceux-ci l’associèrent hic et nunc ( sur le champ ), à un mouvement intergénérationnel en l’intitulant filius ante patrem ( le fils avant le père ).

Une particularité reprise en anglais par : son before father.

En effet, le tussilage offre sa fleur avant sa feuille, symbolisant par cette singularité, la constance d’un père en retrait qui prioriserait la personnification de son enfant, futur élite du pavé, par le truchement d’un fleuron couleur or.

Détenteur d’une histoire complexe via le regard d’un Juge éclairé*, ce modeste mais néanmoins robuste prodige prospère en environnements bien délimités : bords de fossés, de cours d’eau, terrains vagues, plages, abords de chemins argileux.

Doté d’une envergure de pionnier, il développe profondément un rhizome traçant d’où émergent des rejets qui s’étirent et forment des tapis en sols frais, remués, tassés, nus, et surtout exempts de concurrents qui le feraient régresser.

Au creux des giboulées de mars, d’écailleuses tiges rosées et nues jaillissent de terre, s’épanouissent en fleurs serties de tubes miniatures, cerclées de gracieuses languettes miel doré recourbées la nuit et les jours de pluie

Ce phénomène baptisé photonastie est un mouvement inné provoqué par les variations
de l’éclairement.

Modèle réduit des parures de pissenlit, le tussilage est au terme des frimas, une source inestimable de nectar et de pollen auprès des abeilles.

Légende de la photo : Fleur de pissenlit ( impossible de la confondre avec le tussilage) © Yves Meurville

Recueilli et séché, associé à d’autres cousins médicinaux, appelés des simples au masculin pluriel, il offre des infusions qui calment les toussotements et dissipent les rhumes.

La plante est anémochore, un énigmatique adjectif qui la définit d’experte en tressage de voiles sur l’échine de sa descendance.

Elle élabore effectivement des akènes, coiffés d’aigrettes ( fruits secs à une seule graine ), appréhendés du vent, disséminant urbi et orbi ( partout ) une semence au spectaculaire pouvoir germinatif.

Après défloraison, de larges feuilles polygonales aux versos cotonneux, se hâtent de croître à son chevet.

Légende de la photo : Dos d’une feuille de tussilage

Les formes spécifiques qu’elle atteignent en été, les enrichissent d’un langage populaire : pas-d’âne, pied-de-cheval ou de poulain.

Des gourmets les prisent en cuisine, appréciant leur saveur dans les soupes, salades, farces de paupiettes.

Séchées, elles contribuèrent jadis à la confection de cigarettes antiasthmatiques, et comme ersatz par temps de carence, ont comblé en tabac d’invétérés fumeurs. En périodes de pénurie, une fois brûlées, leurs cendres suppléaient le sel.


Ainsi, vous ne rencontrerez jamais simultanément le fils et le père, pourtant amarrés à la même lignée, affrontant souterrainement ensemble les saisons, les époques et les évènements.

De fait, leur accord tacite légitime, dans le renouveau, l’épanouissement de la juvénilité par le biais d’ornements étoilés, ces prometteuses capitules solitaires de la famille des astéracées.

Face à cette conduite inhabituelle de croissance végétale, ne serions-nous pas en présence d’une incarnation de bienveillante affection paternelle ?

*information sur le site Tussilage et Justice

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne