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Préoccupé par l’art d’amender, le ver de terre ou lombric ( lumbricus terrestris ) est qualifié d’universel laboureur, avec ses cousins : épigés, endogés, grands anéciques.

Sur 1 000 m2 exempts de chimie, des millions d’individus vivent cachés sous nos pas, densifiant et aérant la matière à notre insu. De leur crâne, ils forent, avalent et repoussent la terre, l’ameublissant inlassablement, soulevant parfois des charges de 50 fois leur masse corporelle, ce qui amena les Grecs à les qualifier d’intestins du globe.

Leur astucieux drainage de galeries profite à l’écoulement pluvial, fournissant de l’oxygène au terrain, participant à l’harmonieux développement floristique.

Aveugle et sourd, nanti de cellules photosensibles situées à l’avant et à l’arrière de son corps, le ver réagit à la lumière et aux vibrations. Son corps humide et annelé se compose d’un système nerveux, d’une tête musclée, d’un cerveau, d’une bouche, d’un tube digestif, d’un estomac garni de pierres meulières, d’un organe reproducteur, d’un intestin, d’un anus et chez les adultes, d’un bourrelet ( le clitellum ).

Dépourvu de poumons, sa respiration est cutanée, et l’air est diffusé dans des vaisseaux sanguins reliés à 5 paires de cœurs au sang rouge.

La moutarde monte facilement au nez » des vers. En effet, une forte dilution épandue les irrite, les fait réagir et venir en surface, permettant ainsi de les comptabiliser.

Les vers de terre sont bisexués. L’accouplement homosexuel, en longs moments d’intimités têtebêche, engendre des vermisseaux protégés dans de minuscules organes ovoïdes, et libérés après un séjour d’un mois dans le sol à l’abri des dangers.

Constatant la productivité de la vallée du Nil, d’antiques prêtres Egyptiens en attribuèrent la responsabilité aux vers. D’emblée, la Reine Cléopâtre décréta la protection du lombric, le plaça sous surveillance en haut rang d’animal sacré, icône de la fertilité, vénérable et respectable comme son homologue le scarabée sacré.

Les peuples anciens NéoZélandais appréciaient sa valeur protéique au cours de gourmands menus réservés à ses Dignitaires.

Jusqu’au 19 ème, le terme de ravageur accusait le ver de ronger les racines. Avec le concours du premier pesticide, son élimination fut donc radicale. ( Thèse de doctorat du Naturaliste Walter Hoffmeister, édition 1845 ).

A l’égal du Scientifique Jean-Henri Fabre qui observa les insectes, le Savant Charles Darwin étudia et expérimenta à la même époque avec ses enfants, le comportement des vers durant 1/2 siècle.

Ce chercheur pointa l’importance de viscères dans l’élaboration d’un sol nouveau, citant en son notable ouvrage accessible en ligne, leur intelligence, leur conscience environnementale et leur préférence au sucré détecté par des excroissances sensorielles ( Œuvre accessible en domaine public ).


Plus tard, des études confirmèrent leur fonction de fertilisateurs, alliée à la conservation
par ensevelissement de vestiges archéologiques.

Secondé de ses huit poils par anneaux, le ver glane la nuit des matériaux en rampant. Les pinçant de la bouche, il tracte dans son abri : paille, plume, papier, herbe, excrément gâté, feuille de frêne et d’orme avec une préférence pour le tilleul plus azoté ( source : film scientifique de Göttingen, Allemagne, 1973 ). Un duo de bactéries et de champignons lui prédigère ce butin en une curieuse chorégraphie qui ramène, avec le temps, l’inanimé à la vie.

Générant des turricules en surface, cet être améliore la nature de ses déjections turbinées et malaxées de phosphore, d’azote, de potassium, absorbées tout de go, via les pieds des végétaux revigorés.

A l’instar du chat, du chien, du lièvre, les excréments moisis l’attirent. Le ver laisse donc plaisamment mûrir ses crottes et les palpe, choisit les plus affinés avec ses papilles gustatives, avant saisissement et dégustation. Ce particulier comportement est confirmé par des expériences en laboratoire.

Amateur de frondaison, le voici élu prédateur de champignons et de parasites baptisés tavelure et Rotbrenner, ruinant les vergers et les vignes.

Son mode de locomotion inspira le bionicien Stefan Schulz, inventeur de l’entéroscope, l’outil médical d’exploration de l’intestin grêle.

Appelé « notre camarade » en 2014 par Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, ne devrions-nous pas légiférer dans l’intérêt général, le travail de ce génial composteur de nos déchets, soucieux jardinier de la santé de notre terre-mère et en retour de la nôtre ?

Sur la photo ci-contre : Turricules de vers de terre © Yves Meurville

A noter, qu’un ver coupé en deux, meurt, c’est certain !

Pour mémoire : Journée mondiale des vers de terre, chaque année en octobre
Conseil de lecture : « L’éloge du ver de terre » de Christophe Gatineau
Site internet : le Jardin vivant

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne

Photo d’entête © Nealsmithphotos – pixabay