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Aux portes de l’hiver, qui n’a jamais croqué, l’amande blanc laiteux d’une noix tombée du ciel, savourée en nucivore, cette chair blanche et grasse, avec aujourd’hui encore, le souvenir enchanteur et prégnant d’un léger goût amer sur la langue ?

Détaché à l’automne d’un robuste et majestueux centenaire de 22 m. à croissance contenue, au port étalé, ce noyau abandonné et bosselé est la quintessence d’un roi solitaire et sa fierté de perpétuation.

Son nom scientifique « Juglans regia », traduit NOYER ROYAL, exprime toute l’estime Romaine à ce Souverain, originaire d’Iran.

De nature exigeante, il affectionne les sols profonds, calcaires et humifères, revendique de l’espace, concevant de préférence sa lignée de noix, au milieu d’un champ, voire en bordure de chemin.

Il est le dernier feuillu à présenter au printemps sa frondaison bronze-rougeâtre et à l’automne, l’ultime téméraire à l’abandonner au sol sous l’insondable clarté saisonnière .

Ses feuilles caduques dispensent les effluves d’un composé aromatique, la juglone, présente dans tous ses membres.

C’est une substance toxique qui repousse les insectes et tout végétaux alentours.

Autofertile, il élabore sur un même pied des organes fleuris, mâles et femelles, requérant astucieusement leurs rapprochements par l’entremise d’Éole, Maître du vent, assurant de son souffle, la fécondation.

Ses nombreux enfants de bois, des coques dissemblables, enveloppées de l’odorant brou, renferment un cœur, sa graine, le comestible cerneau, désigné à son désavantage au Moyen Âge, de fruit de paysans.

Servi en hors-d’œuvre, associé au couple pomme et fromage, ce fruit charnu et tendre, agît en énergétique régal d’enfants, convalescents, vieillards et végétariens.

Authentique condensé de protéines, minéraux, oligo-éléments, vitamines, son huile goûteuse appréciée des grands Chefs cuisiniers, contribue à l’entretien de l’appareil cardio-vasculaire, de la mémoire et de la concentration, antidote au gênant cholestérol.

L’apparente analogie visuelle et graphique du « cerneau » avec les circonvolutions du « cerveau », participe en l’ingérant, à un illusoire surplus d’intelligence.

Longtemps considéré « d’arbre toxique » apprivoisant la foudre, freinant toute croissance de proximité, contrariant la santé d’importuns, le noyer acquiert au fil des siècles, respect et grandeur, entre autre par sa sculpture sur le piédroit du portail de Notre Dame à Paris.

Légende de l’illustration située à gauche : Détail de sculpture de noyer dans la pierre sur le piédroit du portail de la Vierge de Notre – Dame de Paris.

Fleuron des ébénistes, il s’impose dans le mobilier élégant de la monarchie : lit et cabinets de Marie – Antoinette d’Autriche, canapés des Tuileries, chambre du Roi Louis XIV.

Rivalisant avec les autres essences, il postule en lutherie, coutellerie, fabrication de crosses de pistolets, fusils de champs de bataille, caisses de tambours, roues de carrosses, hélices, tableaux de bord, cadrans d’horlogerie, jeux d’échecs.

L’aviation a même utilisé ses robustes coques à l’égal d’un nettoyant de réacteurs d’avions.

La France, 3 ème pays producteur européen de noix après l’Ukraine et la Roumanie, se place derrière la pomme comme seconde culture arboricole fruitière ( noyeraie ) en surface cultivée, dont Grenoble et le Périgord classés en AOP, Appellation d’Origine Protégée.

Nous quitterons à regret ce généreux berceau végétal dans l’ambiance de la triviale expression érotique : « Tu me les casses !» sous entendu les noix, suggérant sans ambiguïté, les testicules.

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne

Photos © Yves Meurvilleet texte Yves Meurville