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Je ne me soucie de vivre que pour inciter les gens à regarder la beauté de la nature » John Muir, pionnier de la conscience et du combat écologique.

Les Anciens avaient remarqué au printemps qu’après l’arrivée de l’hirondelle rustique occupant les étables, la présence d’un autre oiseau furtif, gracieux à souhait, aux traits ressemblants, sillonnait le ciel, l’émaillant de ses trissements gazouilleurs.

© Yves Meurville

A l’origine, cet animal grégaire de 18 grammes (à peine le poids d’un courrier postal ordinaire), de 13 cm de longueur, à l’espérance de vie de 5 ans, aux mœurs rupestres, nommé « hirondelle de fenêtre » (Delichon Urbica L.), à la vie sociale complexe se développait sur les parois rocheuses.

Après avoir hiverné en Afrique, traversé la mer Méditerranée, parcouru environ 6000 kms, ces frêles oiseaux cosmopolites, inféodés au bâti, reviennent vivre ponctuellement au printemps près de chez nous, dans leurs anciennes niches écologiques réoccupées en priorité par les vieux couples fidèles arrivés en amont, les jeunes les plus vifs en construisant de nouvelles près de leurs parents.

Ce scénario exceptionnel de migration découvert par Buffon au 18ème siècle n’est possible qu’avec le recours à leur phénoménale mémoire des lieux depuis la nuit des temps.

De couleur bleu métallique avec le croupion blanc et de courtes pattes emplumées, elles restaurent, fabriquent à plusieurs de nouveaux nids sur une période de dix jours (Lind-1960) avec de la boue mêlée de salive et de minuscules graviers pour cimenter le tout, ce qui constitue à terme un agréable spectacle vivant de plein-air.

Il a été calculé qu’il fallait un millier et demi de boulettes pour la confection d’un seul habitat trop souvent détruit par l’homme.

Des Chercheurs du CNRS ont évalué qu’à raison d’1 km aller-retour pour trouver ces matériaux aléatoires, 1 495 kms sont effectués par nid pour réaliser ce travail colossal, et ce, immédiatement après un voyage exténuant de plusieurs milliers de kms avec une importante perte de poids.

Cette niche hémisphérique et ordonnée, collée au plafond avec une étroite ouverture circulaire pour empêcher l’intrusion de prédateurs, sauf des loirs, est l’hôte par site de plusieurs dizaines de constructions, des dessous de ponts, des balcons, des plafonds, des granges, des socles supérieurs des embrasures de fenêtres comme dans cette Résidence de retraite de l’Ephad de Méry sur Seine avec ses 75 couples oiseaux, aux niches accrochées au bâtiment, qui s’y reproduisent depuis plusieurs années, et l’hôte également des façades des bâtiments publics départementaux (HLM, Ecoles, Collèges), avec le spectacle d’un ballet incessant d’oiseaux au vol harmonieux et saisissant de souplesse.

Un chef d’œuvre naturellement solide qui peut tenir 10 ans, trouve sa forme extérieure de fini par les frottements répétitifs du corps de l’hirondelle et l’intérieur de cet ouvrage est tapissé avec soin d’une quantité de plumes et d’un peu de foin.

Y seront pondus en mai cinq œufs de 1.60g , incubés alternativement par le couple à une température constante de 34°C sur 17 jours, la becquée d’insectes des hirondeaux se déroulant sur 35 jours.

Leurs sacs fécaux sont consommés par leurs parents qui s’en saisissent durant quelques jours avec leur bec, pour les éloigner de la colonie, par hygiène.

Entièrement insectivore, donc providentielle, l’hirondelle, en anglais « swallow » (avaler) poursuit toujours quelque chose dans les poches d’air chaud à 20 m du sol, comme une navigatrice ou une poétesse : mouches, moustiques, moucherons, pucerons ailés, fourmis volantes, plancton aérien.

Avec détermination et élégance, elle peut capturer 7 000 proies par jour avec sa grande bouche toujours ouverte et par son vol en arc tendu, pour nourrir ses petits, ce qui représente un poids total de 7 grammes de protéines distribuées avec une moyenne de 22 passages au nid à l’heure par l’adulte ( Source : Cramps, Université d’Oxford ).

L’hirondelle est l’oiseau par excellence, l’être entre tous né pour le vol. Pour produire cette aile unique, la nature a pris le parti de supprimer le pied. – Jules Michelet –

En 30 ans, son effectif, qui compte 75 espèces disséminées à travers le monde, mais absente du continent américain, a chuté de 40%, conséquence des menaces naturelles et anthropiques : destruction des habitats pour désagréments causés, disparition des sentiers boueux, des mares, des abreuvoirs à bestiaux pour y trouver aux abords la boue indispensable, changement climatique, effondrement des populations d’insectes volants qui sont indispensables à sa nourriture (Etude S.T.O.C)* voir ci-dessous.

Ce passereau migrateur bénéficie désormais d’un statut juridique qui fait de lui un être intégralement protégé (nid, habitat et espèce) par la loi du 10 juillet 1976 sur la Protection de la nature et du Code de l’environnement (articles L411-1 et L415-3) prévoyant une forte amende de 15 000 € et une peine d’emprisonnement pour les contrevenants.

© Daniel Roberts

Si vous voulez entendre cette hirondelle insectivore méconnue que l’on nomme la perle des oiseaux, consultez la chaine Youtube « les trois becs ».

Si vous voulez la reconnaître dans la nature, levez désormais la tête vers le ciel et les constructions.

Si vous parvenez alors à l’identifier, célébrez-là de toute votre force car cette œuvre de la nature en perte d’effectif est essentielle au bien-être de nos soirées sans moustiques !

* STOC : Suivi Temporel des Oiseaux Communs

Je m’éveillais tôt, ce matin-là, avec cette sensation de liberté que connaissent si bien les employés, cette sensation de délivrance, de repos, de tranquillité, d’indépendance. J’ouvrais ma fenêtre. Il faisait un temps admirable. Le ciel tout bleu s’étalait sur la ville, plein de soleil et d’hirondelles. – Guy de Maupassant-

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne

Quelques liens pour poursuivre vos découvertes sur la nature :

Photo d’entête et de mise en avant Hirondelles © Daniel Roberts et Simard François