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Un enfant me héla : « j’ai vu des plantes dans l’herbe, pour moi ce sont des étrangères, mais comment les nommer ?
Dès qu’il eut ma réponse, il les estima beaucoup plus éclatantes : ficaire, bouton d’or, chélidoine, coucou, jonquille
Et à chaque printemps, d’emblée il savait les identifier

La couleur jaune est dans la Nature des choses, elle engendre un instant de lumière à des vies florales oubliées, voire éliminées par supplantation.

Cette inflexion spectrale symbolise le rayonnement stimulant et l’amitié , c’est une teinte solaire de l’existence qui force à se recentrer et à réfléchir, face à l’existence mouvementée.

Deux fleurs apparemment jumelles, agents de cette ardente tonalité printanière , se galbent sous nos yeux dès le retour des mélodies sylvestres.

Elles s’acharnent en conquérantes à résister aux derniers frimas . Leurs noms : la ficaire et le bouton d’or.

De prime abord, les fleurons jaunes de ces renonculacées vivaces nous attirent et nous interpellent de leur éclat.

Elles s’apparentent en analogies, mais à porter davantage le regard sur leur ordonnancement, se dévoilent alors des différences.

Cohabitantes de notre belle région, de concert avec le jaune des champs de colza, s’étale ainsi un avant-goût de l’été, via le réconfortant et chaud coloris de l’or.

La devise de leur état « faire florès » est la compilation des verbes « fleurir et briller ».

La ficaire, « Ranunculus ficaria » , désignant l’environnement d’amphibiens , a aussi d’autres noms : mire – soleil, pot au beurre, herbe aux hémorroïdes, petite chélidoine, petit bouton d’or.

Avant la frondaison, de nombreuses feuilles lustrées, imitant d’infimes coeurs végétaux, forment au sol d’épais tapis verts parsemés d’étoiles qui sont autant de menus soleils des sous-bois acides.

Parfois surprenamment, des points jaunes émaillent les aires ombragées d’autoroute :
c’est elle, notre téméraire ficaire et ses ornements.

Riche en vitamine C, la dénommée « épinard du bûcheron » avantageait ces Abatteurs et également les Marins, en prévention de l’épidémie du scorbut sévissant dès la Renaissance.

Ils l’utilisaient crue en salade avant l’apparition des boutons floraux et cuite de manière à détruire son alcaloïde venimeux.

Jadis, les fermiers des campagnes la distribuaient à leurs vaches pour favoriser la lactation.

D’une hauteur de 0,30 cm, ses fragiles pédoncules se couchent et se cassent au moindre choc. La corole, d’une ouverture de 1,5 cm se referme en temps de pluie comme le pratique la pâquerette.

Elle possède inégalement, ce qui est insolite, entre 8 et 12 pétales soutenus d’un calice protecteur assorti de 3 sépales verts.

La ficaire reste partiellement stérile avec ses organes, se reproduisant subtilement au moyen d’autres biais.

En effet, à l’aisselle du feuillage se trouvent des excroissances de la taille d’un grain de blé, des bulbilles, qui, à la maturité, tombent sur le sol. L’eau de ruissellement transporte ces infimes lingots, germant et s’enracinant ailleurs.

Son développement souterrain sollicite un stock de tubercules ovoïdes.

Ces racines fasciculées, identiques à des figues miniatures, riches en amidon, constituent la réserve farineuse d’une souche.

Planche anatomique de la ficaire sur l’illustration de droite

Elles étaient consommées à la Préhistoire et employées dès le XVIII ème siècle aux soins hémorroïdaires humains et verruqueux ( les fics ) des bovins , suivant la « théorie des signatures » .

Les parents jouent tantôt, en présentant une sommité de ficaire sous le menton de leurs
enfants, recherchant de cette manière par son reflet, leur inclination au beurre.

Prochainement , nous découvrirons son faux jumeau jaune, le bouton d’or

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne

Texte et photos © Yves Meurville