Ajouter à une liste de favoris

Depuis l’origine du monde, les plantes que nous cultivons allègrement ont de lointains ancêtres sauvages qui, franchissant unanimement les frontières, sont arrivés jusqu’à nous par l’intermédiaire de stratagèmes stupéfiants.

Mais l’évolution et les impératifs humains, les ont modelés, domestiqués, sélectionnés esthétiquement à des fins commerciales, alimentaires et de bien-être.

La piéride du chou sur le buddleia

Songeons aux légumes familiers ( pomme de terre, carotte ,céleri, persil, mâche, salade, chou, salsifis), aux fleurs courantes ( tulipe, jacinthe, œillet, narcisse, dahlia ), aux céréales, aux arbustes, allant même jusqu’à les stériliser, à l’instar de l’infortuné buddleia du Père David.

Rustique, à l’histoire complexe, il doit son appellation scientifique à l’association de deux noms de famille d’ecclésiastiques, le Révérend Adam Buddle « buddleja » et le Missionnaire Armand David « dividii ».

Il a été découvert au creux des montagnes de Chine, via le botaniste Armand David.

Bizarrement qualifié en ce pays, « de végétal qui enivre les poissons », des premiers semis de buddleia sont effectués vers 1895 dans la famille Vilmorin.

Leurs foudroyantes réussites de germination apprêteront rapidement l’ornement des parcs.

Son port étalé, aux feuilles en forme de fer de lance, se prolonge sur des rameaux aux nombreuses inflorescences d’épis, émaillés de fleurs tubées, mauve violacé qui s’épanouissent plus généreusement avec une taille annuelle à l’automne ou avant le printemps.

Un pied produit 3 millions de graines dispersées par l’intermédiaire du vent, des trains, des cours d’eau, classe le buddleia en plante dominante, une prolifique aptitude maitrisée avec l’arrivée sur le marché de nouvelles variétés d’homologues infertiles, des hybrides adaptés au jardin, aux teintes variées : rose, rouge cardinal, blanc, bleu foncé.

Libérant au soleil un doux et exquis parfum de miel, ce feuillu nectarifère s’offre à tous les insectes qui détectent prestement son envoûtante odeur.

D’un irrésistible charme, il convainc maints lépidoptères à fréquenter l’hospitalité de ses corolles pour s’y restaurer avec leurs « spriritrompes », d’où sa désignation « d’arbre aux papillons ».

Repaient du « breuvage des Dieux », ils reprennent progressivement des forces, nourris de ce parfait nectar énergétique composé d’oligo – éléments, de sels minéraux et d’antioxydants.

Le vulcain sur le buddleia

À l’observation, il s’agit des papillons petites tortues, vulcains, piérides du chou, paons du jour, sphinx – colibris, belles – dames, et avec le réchauffement climatique, d’un magnifique migrateur récemment arrivé : le flambé.

En tant qu’indispensable manne à la fabrication du miel, les abeilles recueillent ce nectar
liquoreux, de leurs frêles et courtes trompes, « les proboscis ».

D’après les études de l’Agence Européenne de l’Environnement, ces populations ont diminué de 65 % en trente ans, sans amélioration envisageable pour le moment.

Appelé pionnier, prospérant naturellement, le buddleia occupe tout terrain fraîchement remué, terre calcinée, éboulement, bord de voies de chemin de fer, parking abandonné, trottoir bitumé.

Qualifié aussi d’aventurier, il croît aisément, dans tout environnement pollué, sec et rocailleux, apparemment peu favorable à la vie.

Le buddleia nous rappelle l’invincible instinct de vitalité du végétal, converti en force considérable devant des obstacles apparemment insurmontables.

Contrariée, voire emmurée, la vie ressurgit toujours, depuis 500 millions d’années, là où on
ne l’attendait pas ou plus. Ce qui est symbolique et extrêmement prometteur.

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne

Photos et texte © Yves Meurville