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« La Véronique s’aventure
Près des boutons d’or dans les prés
Les caresses de la nature
Hâtent les germes rassurés »
Théophile Gautier ( La fleur qui fait le printemps )

Le nom officiel donné à cette plante printanière aurait une résonance dans le temps de Pâques et plus particulièrement avec le Vendredi Saint, récemment fêté par les Chrétiens.

En effet, par compassion envers Jésus chargé de sa pesante croix, une femme charitable, prénommée Véronique, bravant la foule houleuse, héroïquement s’approcha de la scène et remis un voile au condamné à la crucifixion, afin qu’il s’essuyât sang et sueur de son visage marqué par la souffrance.

Les traits du supplicié se seraient étonnamment imprimés sur l’étoffe, un évènement mis en valeur en 1584 par Le Greco, peintre Espagnol.

Planche botanique Véronique de Perse

Le genre Veronica attribué par la Science porterait ainsi le souvenir et l’empreinte du geste vertueux de cette personne, à l’adresse d’une fleur discrète, conforme à un visage vivifié d’yeux que sont les extrémités de ses deux étamines.

L’apposition du carré de tissu en question aurait guéri de la lèpre, l’Empereur Romain
Tibère en 42 av. J.-C.

Sauvageonne de la famille des plantaginacées, elle est commune chez nous au paysage floral, campagne et ville comprise.

En promenade, la rencontrer tapie en solitaire, est un pur moment d’émerveillement qui nous cueille, ignorants souvent de sa fonction météorologique par l’intermédiaire de ses corolles closes ou béantes, suivant le temps.

Son exposition en bleu chatoyant émane de substances chimiques, les anthocyanes, qui sont des messages codés de localisation adressés aux insectes.

Résistante aux écarts de température, elle supporte les caprices du temps, offrant vaillamment sa parure en hiver.

C’est en avril, qu’elle est floribonde, accompagnée de deux parentes que sont les Véroniques des champs et petit chêne.

En matinée, impossible de la manquer, à la réouverture de ses quatre éphémères pétales inégaux, bigarrés aux fines stries de pinceau de blanc et d’un bleu profond, originalement orientés vers le centre.

Autofertile pour la production de sa semence, elle bénéficie toutefois aussi d’un supplément de service de la gent ailée et du vent dans l’éparpillement de son pollen sur les pistils de ses congénères.

Au cours de l’Histoire, l’Orientale Véronique de Perse, ancien nom de l’Iran, migra vers les Balkans, pour rejoindre l’Europe centrale, en traversant la Turquie.

Cultivée au Jardin Botanique de Karlsruhe, la Belle s’en échappa rapidement et se colonisa partout.

Plus de cinq cent cousines, aux qualificatifs d’espèces, peuplent la flore mondiale : luisante, rustique, précoce, terne, agreste, en épi, germandrée.

Au XVI ème s., devenue l’herbacée fétiche du must vestimentaire, la noblesse féminine Allemande s’empressa de se parer de ses boutons floraux.

Elle se prête honorablement à l’art et aux loisirs : maroquinerie, service de table, peinture, philatélie et offre son logo à l’Association irlandaise « Speedwell Strust » ( Véronique confiance ) qui transmet aux enfants des connaissances en Sciences naturelles.

Durant la seconde guerre mondiale, la Royale Air Force, spécialisée en photographies aériennes, adopta la fleur comme emblème du 541 ème escadron, en présumé écho à son étymologie « Qui porte la victoire ».

Dans la monotonie des jours, dénicher cet épatant petit butin est plaisant et beaucoup plus savoureux, munis d’une loupe ou d’un smartphone macro.

Pour peu que Véronique soit accompagnée d’une autre jubilatoire vivace, la Sylvie, ce serait un heureux comble complétant en filigrane sa symbolique populaire : « Votre visage, en agréable souvenir, me restera en mémoire ».

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne

Photos et texte © Yves Meurville