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Tremblez, je suis le rouge-gorge, voyez sur ma poitrine le signe vermeil, et dans mon œil le feu de constantes victoires » Colette

«  Sensible au moindre mouvement, l’oiseau est toujours préoccupé d’un danger potentiel »

Après la mue de ses mille et une plumes, le rouge-gorge familier, aphone à la sortie de l’été, ressuscite aux portes de l’hiver, en habits neufs, clamant sa joie.

Ainsi ragaillardi, il est le seul musicien, à se manifester si impulsivement matin et soir en cette période, accompagné du timbre de ses enfants.

Forestier de nature et migrateur partiel, il séjourne au bois en solitaire, est également remarqué aux parcs et jardins, s’exprimant corps dressé haut perché, stimulé d’une hormone : la testostérone.

Ce frêle être, porte – flamme à la mélodie sucrée, s’excite à la vue de tout congénère plastronné de sa phobie : le rouge-orangé.

Célébrant l’égalité, voire la confusion des sexes depuis très longtemps, il est perçu en tant que porte – parole ailé des préoccupations de notre époque.

En effet, livrées similaires et chants identiques des futurs géniteurs, provoquent de sérieux quiproquos prénuptiaux.

Aux premiers jours de janvier, à la lumière de « L’amour est dans le bois », et sur l’initiative d’une Dame, se dérouleront de courts essais patrimoniaux de pré-visite et furtifs rapprochements conjugaux, prolongeant ou non ensemble des jours heureux.

Tout couple consolidé vivra de palpitants épisodes : tâches domestiques partagées, copulation très secrète, couvade, surveillance et défense du territoire, complémentarité nourricière et éducative.

Instruit du Droit civil et de la famille, le rouge-gorge pratique le régime de la séparation des biens, chaque protagoniste restant propriétaire de ses 6 500 m2 de bois et taillis acquis obstinément.

Le nid, à l’abri des intempéries, soigneusement camouflé au sol dans la végétation ou dans toute cavité, est l’œuvre unique d’architecture raisonnée, construite en duo.

Aquarelle de l’Auteur 

Il présente une coupe, à la base consolidée de feuilles sèches, le dessus garni de mousse et de lichen, l’intérieur comblé de crin, radicelles et duvet, où reposeront 5 œufs pondus en matinée.

Assidûment couvés, bénéficiant d’une chaleur maternelle constante de 40°, comme dans un sein, ils seront sous la surveillance du père qui pourvoira au ravitaillement, jusqu’à la sortie du nid, et au-delà, avec la complicité de la mère désormais affranchie.

Lui reviendra également la responsabilité de l’apprentissage du chant à la lignée, forçant sur ses cordes vocales, quitte à en perdre, quelques mois, sa voix et graduellement son costume.

Il s’alimente de vers, d’insectes, de baies rutilantes de 21 espèces végétales différentes retrouvées à l’examen de son estomac.

Fédérateur du compromis « un prêté par les plantes pour un rendu par l’oiseau », il fiente leurs graines qui, tombées à terre, germeront à bonne distance de leurs supports d’origine.

Aux premiers frimas, la mise à disposition au sol de beurre, flocons d’avoine, miettes,
vers de farine, lui permettront d’affronter sereinement la saison.

Son rythme cardiaque élevé, à 1 000 pulsations/min ( 70 pour l’humain ), plafonne son existence à un an, voire deux avec un record de longévité de 17 ans pour un rougegorge bagué retrouvé en Pologne.

Officiellement protégé en France depuis quarante ans, il est toujours tributaire du piégeage, considéré comme la proie favorite d’un commerce alimentaire luxuriant.

Le comportement des Oiseaux, au même titre que celui de tout être vivant, nous interroge parfois et nous attire.

Les fréquentant davantage, nous les comprendrons mieux, allant même à ouvrir notre
intelligence et notre cœur à leurs remarquables particularités.

Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne

Photos © Fabrice Croset et texte © Yves Meurville